Entretien
Sport

"Le regard des gens sur le foot féminin a changé"

Marine Allez, joueuse et entraîneur du HAC Foot féminin
  • lehavre.fr : Pouvez-vous décrire votre parcours ?

Marine Allez : Passionnée de foot (mon grand-père y jouait, j’allais voir le HAC à Deschaseaux), je jouais souvent avec des copains. A 8 ans, j’ai voulu signer aux Municipaux mais n’y ai fait que trois ou quatre entraînements : j’étais la seule fille, je n’avais pas de vestiaire, j’étais un peu exclue, et à chaque fois que je mettais un petit pont ou que je marquais un but, les garçons disaient : « Ah, tu t’es fait passer par une fille ! ». Ensuite, j’ai fait du tennis, du volley, je suis entrée en sport-études volley en seconde à Rouen, où je ne suis restée qu’un an, parce qu’à part le sport, pas grand-chose ne m’intéressait ! Je suis passée au hand à 17 ans, à Octeville où, en un an, je suis montée en équipe première en D2 et j’y ai joué jusqu’à 23 ans. Parallèlement, je travaillais dans une boîte de transit et, voyant le football féminin se développer, j’ai signé à Gonfreville en R1. Etant toujours à la recherche d’un niveau plus élevé, quitte à me mettre en difficulté, je suis ensuite partie à Rouen en D2 (tout en continuant de travailler sur la zone industrielle du Havre) où j’ai joué quatre ans.

  • lehavre.fr : Puis le HAC vous a appelée...

M.A. : Anthony Paumier, aujourd’hui coordinateur de la section féminine du HAC, m’a téléphoné en me disant : « Tu es havraise, on a besoin de joueuses pour monter l’équipe ». Et j’ai donc signé à 28 ans ! Au fur et à mesure, ça s’est développé sous l’impulsion de M. Volpe, et on m’a proposé d’intégrer le club en plus de mon statut de joueuse pour gérer la section féminine : m’occuper d’intégrer les nouvelles joueuses, résoudre les problèmes administratifs, faire de la communication, etc. De plus, je suis devenue adjointe de Thierry Uvenard, l’entraîneur. Je vis de ma passion et il n’y a rien de mieux dans la vie !

  • lehavre.fr : Au fil des année, vous avez donc vu le football féminin évoluer

M.A. : Le niveau n’a plus rien à voir avec ce qu’il était il y a encore quelques saisons. Désormais, les filles sont beaucoup plus athlétiques, beaucoup plus techniques. Evidemment, elles ont commencé le football très jeunes. A l’époque où je jouais à Rouen, il y a avait plusieurs filles qui avaient, comme moi, commencé à jouer en club sur le tard. La génération qui arrive a déjà un bagage technique, connaît le ballon, sait se positionner sur un terrain. Cela permet de travailler l’athlétique par rapport au football. Ça se répercute forcément sur le haut niveau : le niveau D2 d’aujourd’hui est le niveau D1 d’il y a cinq ans !

  • lehavre.fr : Le regard des gens sur ce football féminin a-t-il évolué ?

M.A. : Enormément ! C’est grâce à Lyon et ses grosses performances en Ligue des Champions, à l’équipe de France, à la télé qui retransmet ces rencontres, donc les gens regardent et, finalement, prennent du plaisir. Beaucoup me disent préférer le football féminin, parce que, selon eux, ça joue, ça ne se roule pas par terre. Les footballeuses font ça pour le plaisir et la passion. Les parents regardent avec leurs enfants, les petites filles demandent à jouer et il y a de plus en plus de clubs capables de les recevoir. C’est un engrenage. Aujourd’hui, je ne vois pas quel autre sport féminin se développe autant. Il n’y a plus de parents réticents à mettre leur petite fille au foot. Contrairement aux miens qui l’étaient un peu à l’époque de mes 8 ans !

  • lehavre.fr : Que pensez-vous de la médiatisation du foot féminin, jugée trop faible ?

M.A. : Ça se développe de plus en plus, c’est ce qu’il faut regarder ! Il y a un boom de la médiatisation. Une chaîne a acheté les droits du championnat de D1, on parle beaucoup de la Coupe du monde... Nous sommes débordées de demandes d’interviews, de reportages ! Il ne faut pas oublier qu’il y a encore quelques années, il n’y avait rien. Et, de notre côté, on agit, on participe à beaucoup d’opérations, on intervient dans les écoles. C’est super, justement, ça se développe ! Maintenant, il faut surtout que les filles gardent les pieds sur terre, continuent de faire preuve d’humilité, c’est aussi ce que le public cherche et aime. On tape bien dans un ballon, simplement, et ça ne fait pas tout dans la vie !

  • lehavre.fr : Qu'attendez-vous de la Coupe du monde ?

M.A. : Qu’elle reste en France ! (rires) Ça va être une super fête, pour la ville, pour les clubs, la Ligue de Normandie. On attend un retour important en termes de licenciées. Cela impliquera plus d’entraînements, plus de structures, pour aboutir à un niveau plus élevé dans les années à venir, donc plus de public, plus de moyens. Ce qui pourrait permettre à terme à toutes les joueuses de D1 notamment de gagner leur vie avec le foot et de ne plus travailler dans la journée pour s’entraîner le soir.